Protocole de l’Audit Communal Citoyen

L’Association Débat Citoyen vient de finaliser le protocole et la méthodologie de l’Audit Communal Citoyen qui est engagé dans plusieurs communes (parution du rapport sur Couches prévue pour mi-mars). Comme nous l’avons déjà indiqué précédemment l’Audit Communal Citoyen ne s’attache pas à rechercher d’éventuelles prévarications, corruptions ou prises illégales d’intérêts, ces enquêtes étant menées par d’autres types d’organisations plus spécialisées. L’audit citoyen n’a pas non plus pour objet de rechercher les classiques fautes de gestion, ou gaspillages liés aux dysfonctionnements internes, missions pouvant être utilement remplies par les audits institutionnels. L’Audit Communal Citoyen (ACC) vient combler un véritable vide démocratique, celui du contrôle citoyen sur les agissements de la représentation. Ce contrôle, qui doit être récurrent à défaut d’être permanent, est engagé par de simples citoyens et a pour seul objectif d’évaluer dans quelle mesure la gestion communale est bien conduite dans l’intérêt général. A cet égard l’article L1111-1-1 du code général des collectivités territoriales stipule effectivement que l’élu local doit poursuivre le seul intérêt général dans l’exercice de son mandat, mais sans pour autant livrer aucune définition dudit intérêt général, ce qui constitue déjà une première difficulté de taille pour la conduite d’un audit basé sur ce critère. Une difficulté corollaire, mais non moins redoutable, réside dans le fait que le code des collectivités territoriales ne définit pas précisément les attributions d’un conseil municipal, ou plus clairement, ne semble pas lui attribuer de limites autres que celles éventuellement fixées par la loi générale.

Ce vide juridique, nous dirons même cet abîme juridique, est néanmoins courant dans la rédaction du corpus législatif et constitutionnel français, au point que des concepts aussi lourds que ceux de démocratie, république, justice, social ou service public sont énoncés en tant qu’axiomes flottants mais ne font pas l’objet de définition rigoureuse, ce qui permet néanmoins au pouvoir décisionnaire du moment de leur donner la signification qui convient dans chaque cas d’espèce. Il en va de même pour l’énumération des attributions qui, tant pour le pouvoir central (notamment par les article 34 et 37 de la constitution de 1958) que pour le pouvoir territorial (notamment par l’article L2122-21 du code général des collectivités territoriales), ne permet pas de déterminer avec précision ce que tel pouvoir peut faire ou ne pas faire, tendant ainsi à laisser supposer que tous peuvent, en réalité, tout faire.

Il n’est donc pas chose aisée de juger des agissements d’un conseil municipal en se basant sur le seul critère de la bonne poursuite de l’intérêt général, puisque ce même intérêt général, pourtant annoncé comme devant impérativement guider l’élu local n’est pas défini par la loi et que, par surcroît, le champ de ses activités n’est pas clairement délimité non plus par cette même loi. Ces observations pourront surprendre le lecteur généralement porté à considérer comme une vérité incontestable, un usage entériné par sa quotidienneté empirique, plutôt que validé par une légitimité juridique.

La difficulté à définir l’intérêt général de façon abstraite, c’est à dire à le représenter par un principe donnant une réponse claire dans chaque cas d’espèce, peut être résolue tout simplement par la consultation directe du peuple chaque fois que la question de la conformité à l’intérêt général est posée pour la prise d’une décision. Ce recours à l’expression instantanée du vœu populaire est la seule façon de déterminer avec certitude cette conformité, à l’exclusion de toute velléité expertocratique délégant la légitimité d’un choix à une seule élite restreinte. Au plan local, il est réalisable par la mise en œuvre du référendum local défini par les articles L.O. 1112-1 et L.O. 1112-2 du CGCT, mais plus facilement encore par la mise en place d’Assemblées Citoyennes Locales inspirées de la loi de 2002 sur les conseils de quartiers. C’est ainsi qu’une charte, dénommée Charte des conseils de quartiers démocratisés et établie par l’Association Débat Citoyen sera soumise à l’évaluation de chaque municipalité auditée.

Il n’empêche qu’en l’absence de réelles structures de consultation effectives, aucune conformité à l’intérêt général des actes importants du conseil municipal (notamment ceux engageant un certain montant d’argent public) ne peut être établi avec certitude. Afin de palier cette difficulté nous nous sommes fondés sur un double principe issu de l’ensemble des délibérations de différentes assemblées citoyennes locales expérimentales et pouvant servir de matrice d’évaluation de la conformité à l’intérêt général, qui propose l’optimisation conjointe de deux critères objectifs et concrets :

  1. l’offre de services publics gratuits à destination des citoyens
  2. la pression fiscale à l’encontre des citoyens.

Ce double principe peut sembler, à première vue, être composé de deux critères opposés (voire incompatibles), mais ce jugement sommaire n’est qu’une illusion résultant de la propagande oligocratique qui, comme à son habitude, s’attache à faire entrer dans l’esprit commun des croyances erronées, par l’utilisation de la technique déloyale de l’affirmation péremptoire, plutôt que par celle de la démonstration argumentée.

Une objection à la mise en oeuvre de l’Audit Communal Citoyen est parfois présentée, émanant pourtant de sympathisants engagés dans l’action citoyenne. C’est celle-ci : « Pourquoi perdre son temps à fouiller dans la gestion locale, alors que le vrai pouvoir, celui de décider de nos conditions de vie, se trouve à Paris, au Palais l’Elysée ».

Ce raisonnement est une grave erreur, car il ne faut pas oublier que les conditions de vie du citoyen sont rythmées en grande partie par la fiscalité, et que le pouvoir local exerce une pression très importante sur notre niveau de vie par les biais des impôts locaux, tels taxe foncière, taxe d’habitation (même réformée), taxe professionnelle (même éclatée en CET, CEV et CVAE), et taxes diverses (ordures, énergie, etc..), pression qui implique d’ailleurs que nombre de citoyens paient plus d’impôts directs locaux que centraux, et sans même s’en rendre compte.

De plus, le pouvoir local est souverain pour tout ce qui concerne l’accès et la gestion des services publics de proximité qui sont des éléments clefs des conditions de vie des habitants de la cité. Il en résulte qu’à l’évidence, un bon nombre de facteurs constitutifs du niveau de vie du citoyen ordinaire sont conditionnés par les décisions du pouvoir local et que, influer sur elles, c’est influer directement sur la vie quotidienne du citoyen.

Dans ces conditions, nous voyons donc se profiler tout l’intérêt pour le citoyen de base d’être pro-actif dans le processus d’Audit Communal Citoyen, sachant que cet audit va se donner le double objectif dans ses préconisations finales, de livrer des pistes, d’une part, pour la baisse des prélèvements obligatoires pesant sur chaque citoyen, et d’autre part, pour l’optimisation des services publics gratuits locaux. Ce double objectif étant, nous le voyons bien, porté par le souci primordial d’améliorer les conditions de vie du citoyen (donc de l’intérêt général) souhait naturel de ce dernier, et par ailleurs tout à fait compatible avec les missions d’une municipalité telles qu’énoncées dans le code des collectivités territoriales.

Dès lors, face à l’argumentation probable du pouvoir local qui sera de soutenir qu’il ne peut pas à la fois baisser les impôts, et à la fois augmenter les services publics gratuits, la réponse du citoyen doit être de lui signifier que sa mission réside précisément dans cette obligation de résultat dual, et qu’il sera jugé (notamment par le biais de l’audit)  sur sa capacité à y s’en approcher le plus possible.

Cette démarche nouvelle inverse le rapport pouvoir local/administrés dans la mesure où l’introduction de la notion d’obligation de résultat prend le pas sur celle d’obligation de moyen, cette dernière (résumée en termes triviaux) équivalant, pour le pouvoir local, à se contenter de dépenser le budget issus des prélèvements obligatoires sans se préoccuper d’évaluer objectivement les satisfactions populaires qui en résultent.

Ainsi nous commençons à voir s’esquisser une grille de notation de l’action communale, la meilleure note étant attribuée à l’équipe qui parviendra à diminuer au plus les impôts, tout en augmentant au plus l’offre de services publics gratuits, ce double objectif ne pouvant naturellement être atteint qu’en réduisant les charges non directement engagées dans cette perspective spécifique. Et c’est principalement sur cette capacité de gestionnaire avisé que doit être jugé l’action d’une équipe municipale.

Un mot doit être dit sur la notion de service public gratuit, et il convient d’insister sur l’épithète gratuit. En effet, le citoyen ne doit pas être abusé par les faux services publics qui pullulent fâcheusement, tendant à dénaturer le concept originel. De ce point de vue, l’Audit Communal Citoyen devra être particulièrement attentif à dénoncer les sous-traitances de services de type régies municipales, visant à falsifier la notion de service public, c’est à dire à proposer des services dits-publics, mais payants, parce que délégués, via des contrats de gérances, à des sociétés privées.

Quelles sont les principales procédures d’audit ?

Les procédures d’audit sont les différentes techniques qui vont être utilisées par les auditeurs, pour établir cette analyse. Les principales sont les suivantes :

  • Le contrôle sur pièces
  • L’observation physique
  • La confirmation directe
  • L’examen analytique
  • Les sondages

Le contrôle sur pièces : Utiliser des pièces comptables justificatives pour valider telle ou telle opération. Le contrôle sur pièces s’exerce sur des pièces externes (ex : facture d’un fournisseur, …) ou des pièces interne (document interne). Cette méthode assure une exactitude des données, sachant qu’il est considéré qu’une pièce externe a plus de valeur qu’une pièce interne.

L’observation physique : Vérifier l’existence d’un actif ou autre fait, par simple constat visuel. Cette procédure consiste à se rendre sur place, d’aller en contact avec les différents services concernés. Ce type de procédure est surtout utilisé pour les immobilisations corporelles et les stocks.

La confirmation directe : Questionner l’équipe ou les personnes. En allant directement vers les personnels de la municipalité, l’auditeur peut profiter d’une information pertinente et fiable. Par contre, l’inconvénient majeur reste le taux de réponse obtenu, souvent très faible.

L’examen analytique : Comparer entre les données des comptes annuels et des données antérieures par exemple. L’intérêt des comparaisons c’est d’obtenir une analyse de la tendance que prend l’entreprise dans le temps.  Ainsi on se rend compte des écarts avec les prévisions et on réajuste en trouvant des solutions concrètes.

Les sondages : Ne pas baser l’audit uniquement sur l’exhaustivité des comptes annuels mais plutôt sur l’étude d’un échantillon représentatif. L’avantage du sondage dans les procédures d’audit, c’est qu’il est possible de l’utiliser pour des situations différentes.

C’est à l’auditeur d’évaluer les spécificités de la municipalité et conclure quelle procédure ou mix de procédures est le plus adéquat à la situation.

Rappel des 7 domaines audités

L’Audit Communal Citoyen privilégie l’étude de 7 domaines principaux :

1. Démocratie  : évaluer les procédures de concertation lors des prises de décisions locales, et notamment le positionnement de la municipalité par rapport à la Charte des conseils de quartiers démocratisées introduisant l’assemblée citoyenne locale.

2. Finances : évaluer l’utilisation des finances publiques dans la limite des domaines dévolus au pouvoir municipal, en considérant la priorité de l’intérêt collectif et la nécessité d’optimiser la pression fiscale des citoyens.

3. Economie : évaluer les stratégies de développement du commerce, de l’artisanat et de l’industrie locale.

4. Culture & Patrimoine : évaluer les actions mises en oeuvre pour la valorisation du patrimoine historique et culturel de la ville afin de dynamiser son activité économique et touristique.

5. Activités annexes : évaluer les bénéfices réels retirés par l’habitant de la cité de la mise en oeuvre des activités municipales dites en « budget annexe ». Ces activités concernent des opérations non explicitement prévues par les code des collectivités territoriales comme relevant de la mission première d’une municipalité. Concrètement il s’agit des activités à caractère industriel et commercial exploités en régie, affermés ou concédés, que l’article L2224-2 interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre.

6. Services publics : évaluer les services publics existants selon le principe de nécessaire équilibre du coût rapporté au service rendu à l’usager, évaluer les besoins et le niveau de gratuité souhaitable

7. Ethique : évaluer le respect des dispositions éthiques, et notamment le positionnement de la municipalité par rapport à la charte de l’éthique communale.

Association Débat citoyen

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