De l’utilisation des moyens institutionnels par les élus en période pré-électorale

L’utilisation des ressources de la collectivité par un élu peut poser problème lorsqu’il se trouve par ailleurs candidat. Il est d’importance capitale de distinguer ce qui relève de l’exercice normal des fonctions de l’élu de ce qui relève de sa campagne. La première précaution à respecter pour l’élu candidat en période pré-électorale est d’éviter toute confusion entre les ressources de la collectivité et celles de l’élu candidat. Cette confusion peut apparaître soit à l’occasion d’une opération de communication institutionnelle, qui servirait en réalité la campagne de l’équipe sortante, soit à l’occasion de l’utilisation d’un matériel de la collectivité, soit encore à l’occasion de l’utilisation de membres du personnel de la collectivité par le candidat pour mener sa campagne.

Concernant l’utilisation des moyens de communication de la collectivité, et nonobstant le fait bien évident q’une collectivité ne peut et ne doit pas s’arrêter de communiquer et d’informer ses administrés en période pré-électorale, il convient, pour celle-ci comme pour l’élu concerné, d’observer la plus grande vigilance à ne pas servir la campagne d’un candidat à l’occasion des opérations de communication menées à moins d’un an du scrutin.

Concernant les supports de communication classiques, les différentes communications de la collectivité en période pré-électorale doivent en principe satisfaire les trois critères de l’antériorité (préexistence du support), de l’identité (absence de modification en profondeur du support et respect de sa régularité habituelle), et de la neutralité (contenu strictement informatif, dépourvu d’éléments laudatifs à l’égard d’un candidat ou de l’équipe majoritaire sortante). C’est le cas en particulier pour le bulletin d’information générale de la commune, dans lequel il convient de veiller à ce que le contenu soit dépourvu de tout élément de polémique ou de propagande, à ce qu’il ne fasse aucune référence aux échéances électorales à venir, à ce que les photographies des élus candidats ne concernent que des événements où ils apparaissent dans l’exercice de leur mandat et à ce que les légendes ne revêtent pas un caractère laudatif à leur endroit.

Un éditorial du maire peut toutefois continuer à être publié même si ce dernier est candidat, à la condition que ceci soit habituel, que sa présentation ne change pas, et que son contenu demeure strictement informatif.

Principaux points de vigilance :

Le juge électoral a considéré que constitue un acte de propagande électorale un éditorial du maire dans un bulletin municipal présenté sur « la première page de trois numéros en raison de son caractère polémique relayant des thèmes de la campagne du candidat ».

Le bulletin doit impérativement éviter de faire figurer un bilan de mandat de l’équipe sortante qui serait un tant soit peu positif.

Néanmoins, par exception, il a pu être jugé que ne constitue pas un don prohibé la publication dans le bulletin municipal d’un bilan particulièrement neutre, qui justifiait d’une antériorité et d’une neutralité certaines.

Les campagnes d’affichage institutionnelles constituent un danger important pour les élus candidats. En effet, compte tenu de leur très fort impact auprès des électeurs, le juge électoral a tendance à identifier facilement un don au candidat de l’équipe sortante, sans tenir compte de leur caractère récurrent, pour peu que les thèmes de campagne soient mis en évidence et que le message délivré ne soit pas strictement informatif.

Même une campagne informative peut être perçue comme un don prohibé dès lors qu’elle ne saurait être rattachée à aucune actualité justifiant son organisation et qu’elle véhicule un élément favorable pour l’équipe sortante.

Les frais liés à l’organisation d’une manifestation par une collectivité sont également susceptibles d’être réintégrés (en tout ou partie) au compte de campagne de l’élu candidat si elle constitue un prétexte pour servir sa campagne. Cela dépendra du contenu de cette manifestation (tonalité des discours prononcés, allusions aux échéances électorales) et de la nécessité de l’organisation de la manifestation au regard de l’actualité de la collectivité. A cet égard, une collectivité n’est pas tenue de suspendre les cérémonies qu’elle a l’habitude d’organiser : vœux, repas des anciens, accueil des nouveaux habitants, ni de reporter des inaugurations d’équipements dès lors que le moment choisi coïncide effectivement avec leur date d’ouverture ou d’achèvement sans avoir cherché à ralentir ou accélérer les travaux.

Dans toutes les hypothèses, la collectivité doit veiller à inviter des élus de toutes tendances aux manifestations qu’elle organise en période préélectorale. L’élu candidat pourra également continuer à envoyer des cartes de vœux aux administrés si telle était son habitude les années précédentes. Encore une fois, il importe que les mes-sages délivrés à cette occasion ne soient pas qualifiables de propagande électorale.

Concernant les communications électroniques, à partir de la période d’application de l’article L.52-8 du Code électoral, les différents sites ou blogs d’élus doivent cesser d’être hébergés par le site institutionnel de la collectivité, même si les coûts correspondants sont faibles, et il est fortement déconseillé de prévoir des liens hypertextes renvoyant du site institutionnel vers les sites des élus candidats. Surtout, il doit être procédé à un tri dans le contenu du site : tous les éléments susceptibles de mettre en valeur l’élu candidat doivent être supprimés. Il faut porter une attention particulière aux anciens bulletins d’information mis en ligne. Il est probable, en effet, qu’en matière de communication électronique, ce soit la date à laquelle le support a pu être visionné qui soit prise en considération et non la date de première publication. Le juge appréciera très concrètement si les pages en cause ont pu servir effectivement la campagne de l’élu candidat : il n’en sera pas ainsi s’il ne s’agit que de quelques pages noyées dans un ensemble particulièrement dense ou si elles ne sont restées en ligne que très peu de temps.

Concernant l’utilisation des moyens matériels et humains de la collectivité , il est courant que l’élu se serve de la base de données photographiques de la collectivité pour illustrer ses propres documents de campagne. Cette utilisation n’est légale que si elle est onéreuse. En effet, selon le juge électoral, leur mise à disposition gracieuse constitue un avantage indirect au sens de l’article L.52-8 du Code électoral et doit donc être sanctionnée au regard de l’importance de cet avantage et notamment du coût qu’il aurait représenté pour le candidat. De même, le Conseil d’Etat a retenu que la fourniture de photographies détenues par la collectivité à un prix manifestement inférieur à la valeur réelle des clichés constitue une violation de ces dispositions.

La plus grande vigilance s’impose en ce qui concerne l’utilisation par l’élu candidat des sondages payés par la collectivité. Cette utilisation constituera en effet un don prohibé dès lors que ce sondage a été commandé par un candidat, ou pour son compte, et que ce sondage a soit servi à l’orientation de sa campagne, soit été exploité à des fins de propagande électorale

D’une façon générale, il faut retenir que l’élu candidat est libre d’utiliser les moyens matériels de la collectivité à condition que cette utilisation soit facturée conformément aux prix habituellement pratiqués et que cette possibilité soit ouverte à tous les autres candidats. Il peut s’agir, indifféremment, des lignes téléphoniques, des télécopies, du papier, d’une boîte postale, d’une machine à timbrer, d’un véhicule, etc.

L’élu candidat est souvent tenté d’utiliser les agents de la collectivité ou les membres de son cabinet pour l’aider à préparer et mener sa campagne électorale. Ces personnels ne peuvent être employés par l’élu candidat que pour autant qu’ils sont en congés de leurs fonctions au sein de la collectivité ou qu’ils concluent avec celle-ci un contrat pour un travail à temps partiel. Dans toutes les hypothèses, un contrat de travail doit être conclu avec le candidat, qui assumera tout ou partie de leur rémunération, en fonction de la répartition de leur activité.

Références : Code électoral , art. L.52-4, L.52-8, L.52-11, L.52-12, L.52-15, L.113-1.
Jurisprudence : Cons. const. 9 déc. 1997, n° 2160. Cons. const. 15 janv. 1998, AN Alpes-Maritimes 2e circ.Cons. const. 21 nov. 2002, AN Oise, 5e circ., n° 2002-2672.CE 22 nov. 1996, Cne La Teste-de-Buch, req. n° 177469.CE 29 juill. 2002, Elect. mun. Miribel, req. N° 239142. CE 7 mai 2012, Elect. cantonales Saint-Cloud, req. N° 353536. CE 3 juill. 2009, Elect. mun. Montreuil-sous-Bois, req. N° 322430. Cons. const. 30 janv. 2003, n° 2002-2651/2655/2887, AN Seine-Saint-Denis, 7e circ. CE Ass., 4 juill. 2011, Elect. régionales d’Ile-de-France, req. N° 338033. CE 13 nov. 2009, Elect. mun. Valence, req. N° 325551. Cons. const. 20 janv. 2003, AN Hauts-de-Seine 5e circ., 2002-2654 ; Cons. const. 13 déc.2007, Bouches-du-Rhône, 15e circ., Mme Aude Prieur. CE 17 juin 2009, Elect. cantonales Perthes-en-Gâtinais, req. N° 322085. CE 22 nov. 1995, Elect. cantonales Bois-Colombes, req. N° 163105. CE 7 mai 1997, Elections municipales Annonay, req. N° 176788. CE 20 mai 2005, Elect. cantonales Saint-Gervais, req. N° 273749. CE 10 juill. 2002, Elect. mun. Redon, req. N° 240182. QE n° 71399, JOAN 28 févr. 2006 p. 2180. CE 9 oct. 2002, Elect. mun. Nice, req. N° 240166. CE 1er déc. 2010, Elect. régionales Pays de la Loire, req. N° 337945. CE, 29 janv. 1997, Elect. mun. Caluire-et-Cuire, req. N° 176796. CE 11 juin 2009, Elect. mun. Givors, req. N° 321573. CE 31 juill. 2009, Elect. mun. Bernay, req. N° 321836. Cons. const. 31 juill. 1991, Paris 13e circ. Cons. const. 19 janv. 1996, AN Bas-Rhin, 4e circ., n° 95-2055

Informations recueillies par la cellule de veille citoyenne de l’Association nationale pour la promotion du débat citoyen

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