La légende de la Vivre, le terrible dragon couchois

COUCHES est à la croisée des chemins en ces lieux énigmatiques où survivent les légendes les plus obscure. Tous les vingt ans, depuis 1888 les hommes perpétuent l’histoire où un monstre épouvantable sévissait en semant la terreur et la désolation. D’aucun de dire que l’Histoire est devenue Légende mais, la précision des faits et des souvenirs mêlent l’égarement à la réalité.

Alors, y a-t-il exagération ? Qui était vraiment cette “Vivre” monstrueuse ? Quelle est alors cette histoire ? Le mystère qui entoure la légende de la Vivre (ce nom donné au monstre antique) est d’avantage qu’une petite annale régionale. Dans nos campagnes autour du Creusot, des légendes tenaces et obscures survivent et alimentent des traditions qui regroupent jusqu’à 50.000 personnes tous les vingt ans lors de fêtes populaires où des monstres bien réels font encore peur aux anciens. Les avertissements empruntés aux croyances de la région sont si persévérants qu’ils nécessitent des reconstitutions. En Bourgogne du sud, dans les livres anciens, et particulièrement dans les dictionnaires zoologiques des éditions royales, on découvre les descriptions anatomiques détaillées de ces dragons. On note aussi ces récits historiques meurtriers, (racontés à l’origine de bouche à oreille), où les populations ont guerroyé contre les “Vivres “ou “Vouivres”.

La légende de la Vivre

Bête maléfique et tortueuse, la vivre est une bête apocalyptique ayant des caractères de serpent et de monstre. Elle dévore les enfants, affole les populations et sème partout la terreur. Mille ouvrages royaux ne seraient pas suffisants pour compter les méfaits innombrables de ces dragons couchois ! Une légende raconte qu’un preux chevalier du nom d’Enguerrand de Valandray aurait défié l’animal couchois.

Animal chimérique qui se nourrit que de plantes vénéneuses, monstre né de l’alliance d’espèces malsaines et souilleuses, le dragon couchois est mentionné dans les livres anciens. Images et objets de cultes attestent de ces croyances antiques.

Cet animal symbolique créé par l’imagination des poètes orientaux, a donné lieu aux contes les plus extravagants; d’après eux, le Dragon (Lacépède couchois orientalis) habite par tout sur la terre, mais, si tous sont d’accord pour affirmer son existence, il n’en est pas de même pour sa description, car il est décrit tantôt comme un animal à la figure humaine, avec un beau visage, et qui se nourrit que de plantes vénéneuses, tantôt comme une chimère impure, mélange d’espèces malsaines et souilleuses. On le représente alors ayant la figure d’un cochon, le corps mince, le bec fort, les dents de sanglier avec ses yeux aussi brillants qu’une pierre précieuse. Tantôt le dragon est documenté comme un volatile ornithophage, moitié aigle et moitié louve, (et qui est engendré par l’accouplement de ces deux animaux), tantôt comme un serpent ennemi de l’éléphant qui est alors capable d’infecter, par son haleine, une grande partie de l’atmosphère.

Le Dragon, (dit Lacépède), consacré par la religion des premiers peuples, est devenu l’objet de leur mythologie. Ministre des volontés des dieux, gardien de leurs trésors, servant leur amour et leur haine, soumis au pouvoir des enchanteurs, vaincu par les demi-dieux des temps antiques, entrant même dans les allégories des livres saints, le dragon a été chanté par les premiers poètes. Il est alors représenté avec toutes les couleurs qui pouvaient en embellir l’image. Devenu l’emblème des actions éclatantes des anciens chevaliers (Couches Lacépède, second livre), il a vivifié la poésie moderne ainsi qu’il a animé l’ancienne. Proclamé par la voix sévère de l’histoire, partout décrit, partout célébré, partout redouté, montré sous toutes ces formes, toujours revêtu de la plus grande puissance, immolant ses victimes par son regard, se transportant au milieu des nues avec la rapidité de l’éclair, frappant comme la foudre, dissipant l’obscurité des nuits par l’éclat de ses yeux étincelants, réunissant l’agilité de l’aigle, la force du lion, la grandeur du serpent géant, présentant même quelquefois une figure humaine, doué d’une intelligence, presque divine, le Draco couchois orientalis s’est trouvé partout, hors dans la nature.

En 1328, au terme d’un hiver particulièrement froid, on raconte que la population couchoise observa pour la première fois un terrible animal. Les chevaliers eurent beau essayer de lutter contre l’animal adulte, (en combats serrés ou en organisant des battues), les tentatives historiques furent vaines. Les chevaliers échouèrent tous. A chaque combat, le Draco orientalis adulte trouve une nouvelle parade et dévore ses assaillants.

Au château de Couches, à cette époque, après d’autres périodes froides, la bête apocalyptique, aux innombrables malfaisances, poursuivait ses méfaits. Semant la terreur, le malheur et surtout la mort, la présence du dragon (toujours invisible) nimbait les contrées d’une résignation morbide, inéluctable. “Celui qui voit la bête disparaît et succombe. La simple vue de la bête ôte le souffle de vie”. Invisible aux vivants, et, dernière vision des mourants, le monstre défiait les hommes et les bêtes. Les jeunes bergères, les enfants et les chiens de garde disparaissaient inexorablement dès lors qu’ils s’éloignaient à quelques distances des monts fortifiés du château couchois pour aller chercher l’eau à la rivière.

Assujetties au château les populations disparaissaient également la nuit dans des esclandres de frayeurs accompagnées de boules de feu. Et, au petit matin, les sphères étincelantes ayant frappé, il ne restait au sol que ces odeurs putrides et ces quelques altérations carbonés parfois mêlés aux portions de fondus métalliques de ce que l’on devinait être les restes d’une amure de chevalier. Tous savaient d’instinct que la bête était venue chercher son dû.

Tout semblait perdu, lorsque sur les conseils d’un sage – dont on dit qu’il se nommait Sapience – (synonyme de : discernement, jugement) on fit appel au verdict de Yoata. Yoata était magicien, magicien seulement, mais, bon observateur. L’homme, sage, avait surtout remarqué les déplacements nocturnes de l’animal en direction des terres noires. Aussi, en découvrant les lieux de la demeure du dragon, il espérait découvrir un moyen d’entraver les déplacements du monstre. Aussi vite sollicité, aussi vite parti. Ce jour de grand vent (qui masque les odeurs d’une proie clairvoyante et peureuse) était profitable, et, Yoata se lança sur les chemins de Couches en direction des terres noires de Manginite.

En ces lieux assez proches survivaient au château d’ambre des personnes sans menace apparente. Face au vent Yoata avança face à sa mort. Le grand vent amena la pluie, drue d’abord, puis, torrentielle, laquelle, sur les terres de Manginite, libéra la matière jaune crachée par le dragon durant ses attaques. Yoata se pencha pour ramasser l’étrange miel jaune collé à une portion de bois noir pétrifié par le temps. La main fixée au bois fossile, une musique guida Yoata vers le lac et le Château d’ambre du Duc de Mangin. Là, à la cabane faite du même bois noir pétrifié, sur le bord du lac, le gardien artisan attendait.

L’homme tenait dans son pentagramme d’or une pierre d’ambre allumée d’une petite flamme régulière malgré la pluie et le déluge. L’homme, sans dire mot, s’exprimait en musique : “Où les chevaliers ont échoué, ambre passera et par la lumière purification verra belle musique car en bois d’ambre l’objet sera“. La phrase mystique chantée à Yoata signifiait qu’une flûte en bois d’ambre serait suffisante pour envoûter le dragon qui se laisserait alors conduire au bûcher. Avant d’ajouter : “Le bûcher de bois d’ambre allumé par une flamme que voilà pour Draco sera son trépas“.

La mort de la Vivre et la naissance des chevaliers de l’ambre

De retour au Château de Couches, la Vivre est lancée dans le bûcher. Et, sans doute pour cacher l’origine des objets magiques et l’existence du château d’ambre, le malheureux Yoata, pour tout remerciement, est lancé dans les flammes pour accompagner le trépas du dragon. Enfin libéré de la Vivre ! Devant pareille surprise, on raconte que les chevaliers des terres noires de Manginite associés aux chevaliers couchois auraient fondé un ordre à la gloire du dragon ainsi disparu par la toute-puissance de l’ambre. Adorateur de cette pierre magique qui brûle, les chevaliers des terres noires auraient alors choisi Draco sous son apparence volante. Draco les ailes largement déployées, pour rappeler que l’animal ne craignait rien, pas même les pluies diluviennes. Terrassé par la puissance de l’ambre, la légende de la mort du dragon de Couches est à l’origine de l’ordre des Chevaliers teutons, lesquels sont devenus les dépositaires, en Bourgogne, de cette pierre surnaturelle. Brûlée ou pas, ne dit-on pas que l’ambre a des vertus magiques ?

Depuis cette époque lointaine, les chevaliers de l’ordre teutonique (qui ont administré la région de Bourgogne) ont désigné l’ambre par le nom : “Echter Bernstein” qui signifie littéralement : véritable pierre qui brûle. Et, pour finir l’histoire, on raconte aussi que l’ouvrier de la ghilde qui créa la flûte magique (mais qui n’a pas partagé le funeste destin de Yoata), serait l’ancêtre éloigné de Jacques de Mangin.

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