A Antully, quand VEOLIA multinationale convoite la gestion publique de l’eau…

Par Micheyle Marlier (St Emiland)

Vendredi 06 septembre 2019, les élu.e.s d’Antully vont à nouveau se rencontrer pour réfléchir à la question de la gestion de l’eau sur leur commune. Jusqu’à cet été, Antully parvenait à s’auto-suffire grâce aux captages d’eau de la Fontaine du fou et des Garennes, reliés au château d’eau qui régule les entrées et sorties de consommation, sous l’œil attentif de M.Gérard Jacson 1er adjoint de la commune.

Mais voilà que depuis fin juin 2019 – voir l’article JSL1– l’ARS Agence Régionale de Santé (créée depuis 2010 remplace la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales) a fait savoir qu’un test effectué sur 450 serait négatif et a donc ordonné la fermeture du point de captage des Garennes ; depuis cette date, le préfet s’appuyant sur la Loi NOTRe* a intimé l’ordre à la commune d Antully de s’orienter vers la reprise du réseau d’eau par la SMEMAC Syndicat Mixte des Eaux du Morvan de l’Autunois et du Couchois, interface de VEOLIA.

Lors de la réunion publique du 29 août 2019, organisée en salle des Fêtes, tout semblait aller dans le sens de la récupération du marché de l’eau par VEOLIA via le réseau de la SMEMAC ; M. Jean Paul Lebeigle Maire d’Antully a rapidement évoqué les décisions de l’ARS Agence régionale de Santé, suite aux tests effectués ainsi que les injonctions préfectorales, sans toutefois donner plus d information sur le test en question ni sur le nom du pesticide incriminé.

Il a fallu une intervention dans le public – la mienne – pour que l’on apprenne précisément par M. le Maire d’Antully, le nom du pesticide incriminé ; il s’agit de l ESA metolachlore2 .

Nous n’avons pas pu en savoir plus !

Pourquoi les résultats d’analyse n’ont-ils pas été transmis publiquement ?

La question de l’eau, pourtant BIEN COMMUN qui appartient à toutes et tous, ne serait-elle donc plus qu’une problématique d’élu.e.s ?

Suite à la réunion, j’ai évidemment effectué quelques recherches et j’ai appris que le pesticide incriminé l ESA metolachlore est lié à la production du maïs non bio et aux produits phytosanitaires utilisés.

M. Jean Simonin, Président de la SMEMAC et Maire de St Emiland, était présent pour expliciter aux habitant.e.s d’Antully l’intérêt d’une adhésion à la SMEMAC, donnant quelques éléments chiffrés sur les travaux de l’ancien site du Brandon et du réseau SMEMAC ; enfin il a présenté la carte de toutes les communes adhérentes au syndicat -et donc sous gestion VEOLIA- comme pour confirmer le bien fondé de la décision à venir et enjoindre les habitant.e.s de la commune à en accepter l’adhésion; insistant sur la nécessité de prendre une décision rapide pour qu’elle soit effective au 1er janvier 2020.

Les réactions des habitant.e.s ne sont pas faites attendre ; Beaucoup de questions sur la préservation des eaux de captages aux lieux dits de la Fontaine du fou et des Garennes notamment sur les risques engendrés par le non respect de la réglementation existante3 et les manquements civiques de certains habitants du village.

Le fonctionnement du Château d’eau et sa régulation selon les heures de consommation a été précisé par M Jacson.

Puis les questions autour du prix à payer pour cette passation vers VEOLIA et la SMEMAC ont été abordées. Combien ça va nous coûter ? Ne va t-on pas récupérer une eau moins bonne à la consommation que celle d’Antully ?

L’assistance qui n’a pas semblé avoir été convaincue par les explicitations de M.Jean-Paul Lebeigle Maire du village ni par celles de M .Jean Simonin Président de la SMEMAC, a écouté avec attention l’étude comparative du prix du m3 et taxes afférentes que j’ai présenté à partir des factures sur les consommations d’eau – équivalentes – entre Antully en régie communale et celles de VEOLIA sur St Emiland, la commune où j’habite ; je précise que j’ai été invitée à cette réunion par des ami.e.s d’Antully ;

Donc voici les chiffres :

  • En régie communale d’Antully le prix du m3 d’eau = 1,34€, Abonnement et location compteur 51,39€ pour l’année, Taxes Totales 1,035%

  • Avec VEOLIA le prix du m3 = 1,91€, Abonnement pour 6 mois 45,38€ soit 90,76€ pour l’année, Taxes totales consommation et distribution 1,808%.

Différence de 0,57€ au m3 et prix de l’abonnement près du double de celui d’Antully avec VEOLIA et SMEMAC.

Les chiffres sont clairs, la gestion de l’eau par le privé coûterait plus cher aux habitant.e.s d’Antully.

D’ailleurs beaucoup de maires en France comme à Embruns dans les Hautes Alpes reviennent vers une gestion en régie communale de l’eau, voir l’article France info du 29/08/2019 4

Il est évident que la gestion de l’eau va de plus en plus nécessiter une attention citoyenne de grande ampleur, car le gaspillage sera de moins en moins acceptable compte tenu du réchauffement climatique comme l’a rappelé Mme Peulson lors de son intervention.

Rappelons qu’il est de la responsabilité des élus locaux de faire respecter la réglementation sur la préservation des zones de captages, afin d’empêcher leur pollution par des pesticides agricoles ; c’est d’ailleurs aussi ce que l’on peut lire dans les écrits de la FNSEA sur la sensibilisation qu’elle se promet de faire auprès de ses membres concernant l’avenir du monde agricole !!!

Pour ma part, j’ajouterai qu’il est grand temps que l’État supprime les dérogations accordées aux pollueurs industriels qui paient rarement la facture…et laissent des régions polluées comme dans l’Aude avec la Mine de Salsigne, après les inondations de cet hiver et le diagnostic actuel de plus de cinquante enfants empoisonnés à l’arsenic !!!

C’est aussi valable pour l’utilisation des produits phytosanitaires dont les échéances d’interdiction sont sans cesse repoussées…ou remplacées par d’autres tout aussi polluants avec leurs conséquences létales sur le vivant, humain, animal, insecte dont les abeilles….

Pour revenir à Antully, avant de prendre des décisions dans l’urgence, ne vaudrait- il pas mieux reprendre calmement le dossier de l’eau à Antully, les analyses, les résultats et vérifier s il n’est pas possible d’agir sur l’origine du pesticide incriminé, c’est à dire remonter l’arbre des causes, comme l’ont préconisé les Amis de la Terre dans les Landes ; ils ont rencontré le même type de problème qu’à Antully5 ,

plutôt que se tourner vers une eau traitée par la SMEMAC, facturée par VEOLIA que certaine.s – dont je suis – décrivent comme sale, mal odorante et très chère ? Voir l’article du 29/07/2019 du JSL sur la plainte d’habitant.e.s d’ AUTUN vis à vis de l’eau desservie par la SMEMAC.

Les participant.e.s à la réunion publique ont réclamé une sérieuse étude du dossier de l’eau, de son avenir qu’il faut anticiper et se sont dit.e.s prêt.e.s à s’opposer à une adhésion dans l’urgence à la SMEMAC.

Quitte à laisser le temps à la prochaine équipe municipale de s’atteler à la préservation publique de l’eau bien commun et à l’application rigoureuse de la protection des zones de captages…

Il faudra sans doute à cette nouvelle équipe, le courage et le charisme nécessaire pour dépasser les considérations d’intérêts amicaux interférants les considérations d’intérêt de la communauté pilavoine.

Pour ma part, je trouve tout de même incroyable, après les résultats d’analyses de l’ARS – toujours pas dévoilés à la population d’Antully !!! – que, ni les autorités locales, ni le préfet ne se soient orientés vers une démarche de recherche de causalité sur la pollution de l’eau à l’ESA metolachlore, voire de son remplaçant le S metolachlore…quand on sait que ces résidus sont liés à la dégradation dans le sol de désherbants utilisés dans le cadre de la culture du maïs !

Pourtant des moyens existent comme ceux des Agences de l’eau – financée par les contribuables- et des outils publics d’expertises dont l’une des principales compétences est « la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques » comme on peut le lire sur le site d’ALTERRE !!!6

Pourquoi ne pas avoir chercher à remonter l’arbre des causes du pesticide incriminé et faire sérieusement appliquer la réglementation ???

Sans doute pour ne pas heurter le monde agricole conventionnel, grand utilisateur de produits pesticides, herbicides des multinationales Monsanto, Bayer et cie… ?

Il est tellement plus simple de recourir à une station de traitement des eaux, de confier la consommation en eau d’une commune et donc d’ offrir des parts de marché au privé au lieu de chercher à préserver l’eau des captages d’Antully !

Éléments complémentaires

Yann Olivaux, biophysicien, biologiste et expert en biodynamique de l’eau critique les tests de l’ARS qui sont, selon lui, des tests physico-chimiques effectués en laboratoires sur des animaux, sachant qu’aucune espèce animale n’a le même niveau de seuil de toxicité… la question des seuils ne serait pas pertinente selon lui, puisqu’il n’est pas pris en compte la synergie existante entre tous les polluants, même à faible dose. Les résidus de médicaments par exemple ne sont pas pris en compte dans les normes ARS.

VEOLIA tente de se refaire une image sociale acceptable, après avoir investi durant de nombreuses années dans les infrastructures de colonisation israélienne illégales au regard du droit international, sur les territoires occupes de Palestine ; La multinationale est partie récemment suite à la campagne BDS (Boycott Désinvestissements Sanctions), tout comme Orange (ex France Télécom) pour ne citer que ces 2 entreprises.

*Loi NOTRE que dit elle ? Rappelons que la loi NOTRe prévoie pour les communes de se regrouper dans un syndicat des eaux et d’assainissement au minimum en 2020 et au maximum en 2026… beaucoup de communes rurales résistent en France et résisteraient ici dont les communes de Curgy, Roussillon en Morvan, la Grande Verrière, etc… à suivre donc

En 2013, dans le Sud ouest de la France, où les analyses avaient détecté l’ESA metolachlore, un plan d’action territorial (PAT) a été engagé. Parmi les travaux, il y a eu notamment la volonté de trouver des recours aux herbicides, ou l’achat de terres à proximité des captages pour installer des éleveurs ou maraîchers bio. De plus des travaux pour moderniser les stations d’épuration ont été engagés https://www.sudouest.fr/2016/10/24/pesticides-dans-l-eau-du-robinet-dans-les-landes-que-risque-t-on-et-ou-2545411-3452.php

La réglementation en vigueur sur l’épandage

Deux formes d’épandage ou de pulvérisation de pesticides sont aujourd’hui réglementées en agriculture conventionnelle. L’épandage terrestre est autorisé et réglementé par les articles L-253-1 à L 253-7-1 du code rural et interdit en ZNT (Zones non traitées) souvent sur une largeur déterminée par arrête préfectoral le long des cours d’eau ou autour des points d’eau.

A vérifier les arrêtés préfectoraux de Saône et Loire.

L’autre type d’épandage aérien est en principe interdit depuis les années 2014-2015 dans les vignobles et autres cultures mais bénéficie de nombreuses dérogations !

Selon le même article du journal sud ouest du 24/10/2016, tandis que la conversion en bio poursuit sa progression, les agriculteurs conventionnels du sud ouest utiliseraient de plus en plus de phytosanitaires, produits qui utilisent des molécules suspectées d’être cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction humaine…

Qu’en est-il en Bourgogne et plus précisément en Saône et Loire ?


Notes

1Https://www.lejsl.com/edition-autun/2019/06/27/la-station-de-captage-d-eau-aux-garennes-a-ete-mise-a-l-arret

2L’ESA métolachlore est un perturbateur endocrinien interdit en France depuis 2003, remplacé par un produit très proche le S-métalachlore utilisé comme herbicide dans la culture du maïs ; la teneur limite selon l’ARS est de 0,1 microgramme par litre

3Voir les périmètres de captages mis en place localement sous arrêté préfectoral

4 https://mobile.francetvinfo.fr/monde/environnemen/eau-les-mairies-font-baisser-la-facture-en reprenant- la- gestion-de-leur-reseau_3595797.html #xtot=EPR-502-[newsletervideo]-2019831-[video1]

5Lien avec l’article des Amis de la Terre

6Voir le site ALTERRE Protection des captages en Saône et Loire Qui fait quoi ?

 

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2 réponses à A Antully, quand VEOLIA multinationale convoite la gestion publique de l’eau…

  1. Corniau claude dit :

    Merci pour cet éclairage très précis et très instructif.
    Je serai dans le public vendredi 6 septembre à antully

  2. RUCK dit :

    l’eau est un bien commun
    Le privé n’a pas à se l’approprier….
    notre future doit nous appartenir!
    je vous rejoins
    JLRuck

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